Eugène Delacroix
(Charenton-Saint-Maurice 1798 – 1863 Paris)

Un album de jeunesse inédit vendu chez Artcurial le 28 mars 2012

Prix de vente au marteau : 250.000€

Cet album totalement inédit de la jeunesse de Delacroix représente un éminent témoignage de la place fondamentale qu’occupe l’art graphique chez celui que l’on a parfois réduit à ses talents de coloriste. Le dessin n’est pas chez Delacroix une fin en soi, c’est un dessin de peintre. Comme le disait Théophile Silvestre, « le dessin de M. Delacroix est à celui de M. Ingres ce que le feu est à la glace. »  Loin des épures ingresques, l’agitation qui caractérise souvent les œuvres graphiques de Delacroix relève à la fois de la personnalité même du peintre, et de la fonction qu’il assigne à cette technique. A l’instar des gammes du musicien, les croquis constituent pour lui un véritable exercice, visant à développer la précision de son regard, tout en lui offrant l’occasion, comme le carnet de notes de l’écrivain, de fixer son inspiration et d’organiser plastiquement ses idées :
« L’idée première, le croquis, qui est en quelque sorte l’œuf ou l’embryon de l’idée, est loin ordinairement  d’être complet. Il contient tout, si l’on veut, mais il faut dégager ce tout [...] Ce qui fait précisément de ce croquis l’expression par excellence de l’idée, c’est, non pas la suppression des détails, mais  leur complète subordination aux grands traits qui doivent saisir avant tout ».

 

Notice de l'oeuvre :

Cet album totalement inédit de la jeunesse de Delacroix représente un éminent témoignage de la place fondamentale qu’occupe l’art graphique chez celui que l’on a parfois réduit à ses talents de coloriste. Le dessin n’est pas chez Delacroix une fin en soi, c’est un dessin de peintre. Comme le disait Théophile Silvestre, « le dessin de M. Delacroix est à celui de M. Ingres ce que le feu est à la glace. »  Loin des épures ingresques, l’agitation qui caractérise souvent les œuvres graphiques de Delacroix relève à la fois de la personnalité même du peintre, et de la fonction qu’il assigne à cette technique. A l’instar des gammes du musicien, les croquis constituent pour lui un véritable exercice, visant à développer la précision de son regard, tout en lui offrant l’occasion, comme le carnet de notes de l’écrivain, de fixer son inspiration et d’organiser plastiquement ses idées :
« L’idée première, le croquis, qui est en quelque sorte l’œuf ou l’embryon de l’idée, est loin ordinairement  d’être complet. Il contient tout, si l’on veut, mais il faut dégager ce tout [...] Ce qui fait précisément de ce croquis l’expression par excellence de l’idée, c’est, non pas la suppression des détails, mais  leur complète subordination aux grands traits qui doivent saisir avant tout »  .

Notre album fait partie de la série des carnets de dessins réalisés durant la jeunesse du peintre. Maurice Sérullaz découpe la production graphique de Delacroix en trois phases, la première étant comprise entre 1818 et 1832 . La plupart de ces albums sont aujourd’hui conservés au Cabinet des Arts graphiques du musée du Louvre. On peut observer sur certaines pages de notre carnet, le filigrane du célèbre fabricant de papier J. Whatman, suivi de la date «1809», qui nous fournit un terminus post quem. L’identification de certains de nos dessins avec des études préparatoires pour des tableaux réalisés entre 1817 et 1825 nous permet de préciser encore la datation de notre album : la figure grimaçante du folio 7 verso peut être mise en rapport avec un tableau représentant Actéon, daté 1817 ; les études d’enfants nus, seuls ou dans les bras de leur mère, témoignent de la laborieuse élaboration de la Vierge du Sacré Cœur, réalisée vers 1820-21, et des recherches pour la composition des Massacres de Scio, présentés au Salon de 1824 ; le cheval du folio 5 recto est préparatoire au tableau Le cheval rouan, exécuté vers 1823 ; enfin, la tête de naufragé du folio 10 recto fut esquissée en 1824, peu après la mort brutale de Géricault, événement tragique qui a profondément bouleversé Delacroix.

Composé de seize feuilles protégées par une couverture cartonnée, notre carnet est plus grand que ceux conservés au Louvre (230 x 290 mm), mais on y retrouve le même mélange de feuillets de couleurs et d’épaisseurs différentes, disséminés de manière aléatoire entre les pages blanches. Comme à son habitude, Delacroix y emploie, alternativement ou conjointement, diverses techniques graphiques, du crayon de graphite à la plume, en passant par les lavis d’encre de chine et, plus rarement, l’aquarelle. Le fusain, avec ou sans rehauts de craie blanche, représente la technique de prédilection de ses jeunes années. Loin de l’épure stylisée, Delacroix fuit les contours nets et les lignes fermées, pour multiplier les enchevêtrements de courbes. Il ne cherche pas l’imitation pure, mais l’expression du mouvement et la liberté du geste :
« En tout objet, la première chose à saisir pour le rendre avec le dessin, c’est le contraste des lignes principales […] Une ligne toute seule n’a pas de signification, il en faut une seconde pour lui donner de l’expression», écrit-il dans son journal.
A cette diversité de techniques graphiques répond l’hétérogénéité des types de dessins qui se côtoient dans notre album. Les têtes d’expression (folios 7 et 11 verso) alternent avec des dessins de composition (folios 6 verso et 8 recto), des croquis d’invention, comme ces études de tigres chassant leur proie (folio 1 verso), et des souvenirs d’œuvres qui ont profondément marqué le jeune Delacroix.

S’inscrivant pleinement dans la série des albums de jeunesse de Delacroix, notre carnet s’en distingue cependant par la place fondamentale accordée aux autoportraits, et aux liens qui unissent l’artiste à son illustre aîné, Théodore Géricault. Les exercices de style et les études préparatoires se mêlent aux compositions les plus intimes pour nous offrir un triple éclairage sur l’artiste, à l’orée de sa brillante carrière ; sur l’homme lui-même explorant, à travers sa propre identité, les manifestations physiques des émotions humaines ; sur ses amitiés de jeunesse, et sur l’héritage pleinement revendiqué de l’auteur du Radeau de la Méduse dont le folio 10 constitue, sans doute, le plus saisissant témoignage. 

Album cartonné composé de 16 feuillets de diverses couleurs numérotés de 1 à 28.
230 x 300 mm (couverture) ; 226 x 284 mm (tous les feuillets, sauf f°4 et 5 coupés)
Traces de feuillets manquants entre les f° 2 et 3, entre les f° 3 et 4, et entre les f° 6 et 7.
Vers 1817-1824.

Provenance : collection privée, Paris

- Revers du plat supérieur de la couverture :


Suite d’annotations à l’encre et au crayon de graphite :

Mlle Emilie Robert rue des Noyers n°22.
Naguelsmith (?) rue  chez Mr Dalphan rue beaubourg Cul de Sac bertaux n°18
Mort de Pelopidas ses soldats ne veulent point lui survivre
Antoine Badrot chez Mr Brandon rue traversiere près la Place Maubert
Mesarlachant ( ?) rue des Sept Voies n°3, chez Mr Laigle, Mr de Vin ramoneur  (…) au second dans le grand escalier

Dans les albums de Delacroix, la première page sert parfois d’aide-mémoire et de répertoire. Parmi les noms mentionnés ici, on reconnaît celui d’Emilie Robert, modèle préférée du peintre, citée à plusieurs reprises dans son journal en 1823 et 1824 , et qui posa notamment pour la figure de femme nue liée au cheval du pacha dans les Massacres de Scio (Salon de 1824).


- F° 1 recto :

Etude de femme à la chevelure hirsute, vue de profil ; étude de paysage ; monogramme D.
Pierre noire et crayon de graphite


On peut émettre plusieurs hypothèses sur l’identité de la femme vue de profil. Ce dessin renvoie peut-être à une annotation figurant sur la première page d’un autre album de jeunesse de Delacroix : « Allégorie de la Comète dans (?) une femme échevelée » .
On pourrait également voir dans cette figure une première pensée pour un tableau perdu de 1817, représentant la déesse de la vengeance Némésis (huile sur toile, 25 x 33 cm), dont la composition est connue par un dessin d’Alfred Robaut  (fig.1)...


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