Pascal-Adolphe-Jean Dagnan-Bouveret
(Paris 1852 - Vesoul 1929)

L'église Saint-Hilaire de Poitiers

Pierre noire, pastel et craie blanche sur papier beige
Signé et daté en bas à droite: "Pas Dagnan-B Poitiers 20 […] XVIII"
320 x 240 mm

Vendu

 

Notice de l'oeuvre :

Pascal Adolphe Dagnan-Bouveret, originaire de Melun, étudia dès 1869 dans l’atelier de Cabanel, puis auprès de Jean Léon Gérôme. Il fut classé second au prix de Rome de 1876. Au cours de ses années de formation, il se lia avec Gustave Courtois et Jules Bastien Lepage. Dans les années qui suivirent,  il imagina des scènes de la vie quotidienne inspirées par la technique de la photographie, en Franche-Comté et en Bretagne. Il s’imposa comme l’un des artistes naturalistes les plus prometteurs de sa génération, tout en contribuant à la modernisation de la tradition académique.

En 1900, Dagnan-Bouveret reçut le grand prix de l’Exposition Universelle et il fut élu membre de l’Académie des Beaux-Arts. Son nouveau statut contribua à accroitre sa réputation et son succès. A partir de cette date, Dagnan-Bouveret abandonna progressivement la peinture de genre, qui était pourtant à l’origine de ses approches les plus innovantes. Il se consacra alors essentiellement au genre du portrait, à quelques décorations murales et surtout à la peinture religieuse. Sa femme Anne-Marie, fervente catholique, encouragea les inclinations mystiques de Dagnan-Bouveret. Il exécuta In Excelcis en 1907, le Vendredi Saint en 1917, Mater Dolorosa en 1920, Sabbat Mater en 1926 et la monumentale Via Dolorosa en 1927. Un grand nombre de peintures religieuses furent peintes pendant et juste après la Première Guerre Mondiale. Beaucoup font référence aux pertes humaines considérables que les Français subirent.
Les premières années du XXème siècle furent également marquées par une série d’épreuves dans la vie privée de l’artiste. Le couple était particulièrement fier de leur brillant fils, Jean, qui devint, après des études de médecine et de philosophie, un grand psychiatre. A l’issu de sa mobilisation pendant la première guerre mondiale, ce dernier contracta une pneumonie et décéda brutalement le 18 août 1918. Cette cruelle nouvelle plongea les parents dans le désespoir et contribua à détériorer la santé fragile d’Anne-Marie, qui s’éteignit à son tour en 1926. La toile Mater Dolorosa (1920, Eglise du Sacré Cœur, Vesoul) peut être considérée comme un symbole de la foi inébranlable de l’artiste malgré la guerre et les malheurs qui l’accablaient personnellement.

Cet intérieur d’église, daté 1918, fut réalisé dans ce contexte, à la fin d’une terrible guerre qui laissait de nombreuses familles dans le deuil, à l’image des Dagnan-Bouveret. La représentation de ce lieu de recueillement offre un témoignage supplémentaire de la piété de l’artiste. L’inscription nous indique en effet que le dessin fut exécuté à Poitiers. Cet émouvant pastel représente l’intérieur de l’église romane Saint-Hilaire-Le-Grand à Poitiers. L’édifice fut bâti sur la sépulture du grand évêque Hilaire, qui contribua à l’évangélisation de la Gaulle au IVème siècle, dans les premiers temps de la chrétienté. Les premiers sanctuaires furent plusieurs fois détruits, et la construction de l’église actuelle date de 1049. Le lieu était renommé car il constituait une étape du chemin de saint Jacques de Compostelle. La nef fut en partie reconstruite et achevée en 1875. Malgré les vicissitudes du temps, l’église a conservé sa beauté interne.

Dagnan-Bouveret a probablement été frappé par l’élancement des lignes et l’ampleur du vaisseau central de l’église. L’église Saint-Hilaire présente une particularité : le chœur et le transept sont surélevés par rapport à la nef, ce qui leur confère un caractère transcendant et céleste. En effet, la nef, qui mène à la crypte, se heurte à un mur de 2m30. Aucun escalier ne permet d’accéder directement au sanctuaire qui surplombe la nef. On accède au transept par des escaliers situés au niveau des bas-côtés sud (ill. 1). Les premières marches mènent au rez-de-chaussée du clocher primitif orné de lourds piliers. De nouveaux escaliers gagnent alors le transept (ill. 2), partie primitive de l’édifice. Ce sont ces escaliers que Dagnan-Bouveret a représentés dans ce dessin. On reconnaît le même petit muret de pierre longeant l’escalier, surmonté d’une rampe métallique. On retrouve également les mêmes colonnes, avec leur imposant socle cubique et leur large fut cylindrique orné d’un petit renflement à sa base.

 


Il existe un autre dessin de l’église Saint-Hilaire par Dagnan-Bouveret (ill. 3). Le point de vue est identique mais le cadrage, un peu plus large, laisse apparaître dans l’angle inférieur gauche, les premières marches de l’escalier, le dossier d’une chaise vide, ainsi qu’une nature morte composée d’un bouquet de fleurs de lys reposant sur un frêle guéridon. Ce dessin comporte la même inscription manuscrite que notre œuvre et fut vraisemblablement réalisées au cours du même séjour.

 

Ces deux études ne se rattachent à aucune composition connue de l’artiste et nous ignorons les circonstances du passage de Dagnan-Bouveret dans cette ville. Mais la date du dessin, probablement 20 août 1918, qui coincide avec la mort tragique de son fils Jean, nous fournit peut-être une explication.

Dagnan-Bouveret associe ces différents médiums, pastel, craie et pierre noire, pour créer une atmosphère mystique, tout en demi-teintes, propres à exprimer la souffrance de l’homme face à la mort, les prières du père face à la perte d’un fils chéri et la foi profonde du Chrétien devant l’absurdité du monde.

Amélie du Closel



Bibliographie:
L’atelier du Coeur-Meurtry, Poitiers. Saint Hilaire, Notre Dame la grande, Nancy, 1962.
Gabriel P. Weisberg, Against the Modern, Dagnan-Bouveret and the transformation of the academic tradition, catalogue d’ exposition, New York Brunswick, Dahesh Musum of Art, New York, 2002.


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