Théodore Rousseau
(Paris 1812 – 1867 Barbizon)

Paysage aux arbres en bordure de rivière

Cachet de la vente Rousseau en bas à gauche (Lugt 2436),
Dessin à la plume sur papier vergé, 110 x 147 mm.

Provenance :
Vente après-décès de l'atelier de Théodore Rousseau, 27 avril 1868.

Vendu

 

Notice de l'oeuvre :

Théodore Rousseau, co-fondateur de l’école de Barbizon, a largement participé au renouvellement du genre du paysage au XIXème siècle. Il se forme dès 1821 chez Pierre Alexandre Pau de Saint Martin, élève de Joseph Vernet et de Leprince. Son maître l’emmène travailler dans la forêt de Compiègne et le recommande à Charles Rémond, peintre néoclassique. Rousseau fréquente le Louvre et peint autour de Paris, à Chatenay-Malabry, à Meudon, au parc de Saint Cloud et dans les environs de la forêt de Fontainebleau. En 1829, il fréquente l’atelier de Guillon-Lethière. Il puise son inspiration sur le vif, en parcourant la France : entre 1830 et 1837, il découvre l’Auvergne, la Normandie, le Jura, la Vendée et la Sologne. Après avoir essuyé un refus au Salon de 1836, il s’installe à l’auberge Ganne à Barbizon. Le village, situé en lisière de la forêt de Fontainebleau, devient le lieu de rassemblement de nombreux artistes, comme Jean- François Millet, Camille Corot et Charles Daubigny, qui fuient la civilisation urbaine et les débuts de l’industrialisation. Ces derniers, influencés par les paysagistes hollandais du XVIIème siècle et les peintres anglais contemporains, notamment Constable et Bonington, tirent leur inspiration de l’observation sensible de la nature. La forêt de Fontainebleau leur offre une variété de vues boisées, rocheuses ou verdoyantes. Le paysage historique recomposé en atelier, prôné par la tradition académique, cède désormais place au paysage pur.
Dans les années 1850, le talent de Rousseau est reconnu et les commandes affluent. Il participe à l’exposition universelle de 1855. De nombreux marchands, amateurs et artistes lui rendent visite à Barbizon. Dans les années 1860, il évolue vers un style plus détaillé et minutieux. Il retravaille inlassablement ses anciens tableaux afin de les rendre conformes à sa nouvelle vision. Il s’associe à la Société nationale des Beaux Arts et expose à Paris, à la galerie Georges Petit, à Nantes, Saint- Pétersbourg et Anvers. Atteint d’hémiplégie, sa santé décline à partir de 1963. En 1867, année de son décès, ses œuvres sont exposées au Salon, chez Brame et chez Durand-Ruel, et à l’exposition Universelle.


Notre dessin, qui porte le cachet de la vente posthume, n’est lié à aucune œuvre peinte de l’artiste. Les études préparatoires occupent une place relativement restreinte dans l’œuvre graphique de Théodore Rousseau. L’artiste privilégie habituellement le dessin pour lui même. En effet, Philippe Burty rapporte au sujet de ses dessins : « souvent, il avait ébauché ou dessiné précieusement car il prenait surtout sur nature des renseignements et s’astreignait rarement à pousser une étude dans ses détails – souvent cette ébauche lui plaisait assez pour qu’il voulut la conserver1. » Rousseau ne souhaitant pas se séparer de ses précieuses ébauches, ses œuvres graphiques restent dans son atelier jusqu’à la vente organisée après son décès, en 1868. Michel Schulman précise que « la prodigieuse quantité des œuvres graphiques qui furent révélées par la vente posthume montre que le dessin n’avait rien pour lui d’un art mineur ou accessoire, qu’il en comprenait et appréciait les infinies possibilités2. » Les dessins issus de la vente obtiennent un grand succès auprès des amateurs. Le « pointillisme lumineux », adopté par Rousseau au cours des années 1860, marque également les artistes de la génération suivante. Michel Gobin remarque, au sujet d’un dessin à la plume de Rousseau : « Observons comme cette écriture semble annoncer – par une audacieuse anticipation – les dessins lumineux et aérés de ... Van Gogh ! » (ill. 1).

 

On peut rapprocher notre œuvre de certains dessins de l’artiste relevant de la même technique (ill. 2 et 3). Notre étude est probablement contemporaine d’un croquis à la plume, Le Passeur (ill. 4), que Michel Schulman date, dans son catalogue raisonné, des années 18603 : Dans chacune des deux œuvres, le lieu représenté – probablement la Seine en bordure de la forêt de Fontainebleau - et le point de vue sont identiques. Maurice Gobin décrit le dessin du passeur comme « un vaste paysage, baigné de lumière, jusqu’à l’horizon lointain4 ».
 


Il arrive fréquemment que l’artiste, éternel insatisfait, retravaille un même motif qu’il traite différemment. Contrairement au Passeur (ill. 4), qui présente une style plus fouillé, notre dessin, très minimaliste, est exécuté avec une grande économie de moyens : Rousseau retranscrit la luminosité de la scène en jouant sur la réserve du papier. Il évite les lignes fermées et les contours nets pour privilégier l’expression du mouvement. En effet, l’artiste parvient à évoquer la légèreté des feuillages bruissant sous le vent. La végétation est suggérée par des accents rapides et de traits clairsemés. Les reflets dans l’eau, quant à eux, sont traités au moyen de petites hachures croisées. La description d’Antoine Terrasse est particulièrement éloquente et révèle les principales caractéristiques de son style. Il voit chez Rousseau « les vibrations intérieures, les premières forces jaillissantes ; un trait qui, plus qu’il n’épouse la forme, s’identifie aux formes originelles, rejoint le fragment de l’atome, et devient hachures, points, volutes5... ».
L’influence de John Constable est manifeste dans l’œuvre graphique et peinte de Théodore Rousseau. Dans notre dessin, on retrouve son goût pour la technique de la plume et pour les lignes tremblées (ill. 5). Les œuvres de Constable, révélées en France au Salon de 1824, sont remarquées par Delacroix et Huet. Ces derniers font preuve d’un enthousiasme communicatif. Rousseau se familiarise avec l’art de Constable dès 1830 par l’intermédiaire de son ami John Arrowsmith. Ce marchand de tableaux parisien, principal importateur des œuvres de John Constable, fait paraître une série de gravures exécutées d’après le paysagiste anglais.

 

Notre étude exprime pleinement les intuitions, les émerveillements et la satisfaction du peintre lorsqu’il est en contact direct avec de la nature. En effet, la plume permet une spontanéité absente de ses œuvres peintes sans cesse retouchées.
Amélie du Closel

 

1
Philippe Burty, « Théodore Rousseau », Gazette des Beaux-Arts, 1er avril 1868, p. 149.
2 Michel Schulman, 1997, cf introduction.
3 Michel Schulman, n°563, p. 276.
4 Maurice Gobin, 1960, ch. VII.
5 Antoine Terrasse, 1976, p. 57-58.



Bibliographie en rapport :
Maurice Gobin, L'art expressif au XIXe siècle Francais : 120 dessins, aquarelles, gouaches et pastels, commentés et illustrés, Paris, 1960.
Hélène Toussaint, Théodore Rousseau, 1812-1887, Paris, musée du Louvre, Galerie Mollien, 29 novembre 1967- 12 février 1968, catalogue d’exposition, Paris, 1967.
John Wisdom, The forest of Fontainbleau, refuge of reality : french landscape 1800 to 1870, New-York, 1972.
Antoine Terasse, L’univers de Théodore Rousseau, Paris, New-York, 1976.
Michel Schulman, Marie Bataillès, Théodore Rousseau, 1812-1867 : catalogue raisonné de l’œuvre graphique, Paris, 1997.
Pierre Miquel, Rolande Miquel, Théodore Rousseau, Paris, 2010.


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